LE 4 DECEMBRE 1922 EST NE UN PRINCE

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Gérard Philipe
Acteur exceptionnel et généreux.
Il est devenu un homme de légende.
Le visage de la jeunesse pour l'éternité

 

L'HOMMAGE D'ARAGON

A la mort de Gérard Philipe, Aragon fut de ceux qui eurent le mot juste pour saluer le long sommeil de Perdican.


"Les siens l'ont emporté dans le ciel des dernières vacances, à Ramatuelle, près de la mer, pour qu'il soit à jamais le songe du sable et du soleil, hors des brouillards, et qu'il demeure éternellement la preuve de la jeunesse du monde.

Et le passant, tant il fera beau sur sa tombe, dira :

                                                                 non, Perdican n'est pas mort !

Simplement, il avait trop joué, il lui fallait se reposer d'un long sommeil."

 

Inoubliable Cid, merveilleux Prince de Hombourg. Généreux, beau, talentueux, enthousiaste, ardent, entré dans le Panthéon des éternellement jeunes, l'incomparable Gérard Philipe nous a quittés à 37 ans, emporté par un cancer du foie, en laissant un vide, un très grand vide au cinéma et au théâtre français.
Il avait modifié son nom en ajoutant un "e" de façon à ce que le total des lettres formant ses nom et prénom soit de 13... un chiffre porte-bonheur, disait-il.
Gérard était le fils cadet d'un avocat opposé à ce qu'il fisse du cinéma et c'est sa mère, qui fut toujours sa complice, sa confidente et son amie qui, discrètement, l'aida à passer une audition devant Marc Allégret.
Avant cela, il avait suivi des cours de comédies à Nice dispensés par l'excellent Jean Wall.
En 1942, il vient d'avoir vingt ans, il est engagé par Claude Dauphin, alors en zone libre avec sa compagnie, pour jouer Une grande fille toute simple d'André Roussin avec Madeleine Robinson comme partenaire.
Il s'impose d'emblée et chacun reconnaît son exceptionnel talent.
Il présageait déjà le grand comédien qu'il allait devenir et on l'engage aussitôt pour Une jeune fille savait d'André Haguet.

En automne 1943, Paris émerveillé le découvre dans l'ange de Sodome et Gomorrhe de Jean Giraudoux.

Puis, c'est Caligula d'Albert Camus, futur Prix Nobel.
Au cinéma, la révélation vient avec L'idiot qu'il tourne aux côtés d'une Edwige Feuillère subjuguée par tant de talent.
Puis c'est Le diable au corps où il incarne François, le jeune et scandaleux héros de Raymond Radiguet, rôle pour lequel il reçoit un grand prix d'interprétation à Bruxelles.
A partir de là, chacun de ses films pratiquement sans exception, est marqué d'une empreinte de plus en plus puissante.
Que ce soit pour le méconnu Monsieur Ripois, mal accueilli par la presse (sans doute parce que Gérard y incarne un antihéros, un séducteur de pacotille) comme pour La fièvre monte à El Pao, son dernier film.

Et entre-temps : Les orgueilleux où il interprète un médecin français, déchu et alcoolique, échoué à Alvarado, un petit port perdu du Mexique, Le rouge et le noir en présomptueux Julien Sorel, Les grandes manœuvres dans lequel il personnifie un élégant et séduisant lieutenant du 33me Dragon, etc.
Sans oublier, bien sûr, le merveilleux, le bondissant, le frondeur Fanfan-la-Tulipe de Christian-Jaque qui, projeté et admiré dans le monde entier, l'amène à récidiver cinq ans plus tard, des deux côtés de la caméra cette fois, avec Les aventures de Till l'Espiègle. Ce film est une fidèle transposition de l'œuvre du belge Charles De Coster et Gérard qui portait ce projet depuis de longues années, s'y investit totalement, passionnément.
Le cinéaste néerlandais Joris Ivens l'aide à sa réalisation. Hélas, le film ne connaîtra qu'un simple succès d'estime.

Et le théâtre ?
Que dire de l'aventure du Théâtre National Populaire où il électrisa tant de foules de spectateurs dans la cour du Palais des Papes à Avignon ?
Merveilleux interprète du Cid et du Prince de Hombourg déjà cités, mais aussi de Lorenzaccio, de Ruy Blas où il est l'amoureux romantique idéal de la reine d'Espagne, des Caprices de Marianne qu'il joue aux côtés de Geneviève Page, de On ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset, etc.

Athée et de gauche, il était un comédien engagé.
Il a pris part à la libération de Paris, a fait partie du Conseil National du Mouvement de la Paix et a été un très actif président du Syndicat des Acteurs.
Sa femme, Nicole Fourcade, une ethnologue, qu'il rebaptisa Anne parce qu'il trouvait ce prénom plus poétique, lui consacra un livre bouleversant, "Le temps d'un soupir", dans lequel elle relate, avec beaucoup d'émotion et de pudeur, les dernières heures de son époux. Ils ont eu un fils, Olivier, et une fille, Anne-Marie, laquelle est devenue une excellente comédienne en choisissant les chemins les plus difficiles, sans se servir du nom de son père, ce que celui-ci, d'une intégrité totale, n'aurait pu qu'apprécier...

Gérard Philipe repose dans son costume du Cid au petit cimetière de Ramatuelle où beaucoup de personnes viennent se recueillir. Sa tombe est des plus modestes, à l'image même du sympathique comédien qu'il était.

Publié dans nostalgie

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M
<br /> il y a du laisser aller bisous<br /> <br /> <br />
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